Archives pour la catégorie Espagne


Pasaia

Dans les pas de Victor et Gilbert

Marcher : 2 km (aller)
Manger : à Donibane



« Cet endroit magnifique et charmant comme tout ce qui a le double caractère de la joie et de la grandeur, ce lieu inédit qui est un des plus beaux que j’aie vus et qu’aucun « tourist » ne visite, cet humble coin de terre et d’eau qui serait admiré s’il était en Suisse et célèbre s’il était en Italie, et qui est inconnu parce qu’il est en Guipuzcoa, ce petit éden rayonnant où j’arrivais par hasard, et sans savoir où j’allais, et sans savoir où j’étais, s’appelle en espagnol Pasages et en français le Passage », Alpes et Pyrénées, Victor Hugo.

Il est toujours possible et souhaitable d’être surpris par la beauté de cette baie et de ses villages en miroir, Donibane et San Pedro. Cachée dans l’ombre de Saint-Sébastien, personne pour en faire la retape, et c’est tant mieux.

Comme nos deux illustres tourists, laisser ses chevaux à l’entrée de Donibane (parking gratuit). Ensuite ce sera tout droit, jusqu’à l’océan, avec toujours des échappées sur la baie. De toute façon, il n’y a qu’une rue.

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« La première chose qui m’a frappé en sortant de l’église, c’est une tête sculptée dans une muraille qui fait face au portail. Cette tête est peinte en noir, avec des yeux blancs, des dents blanches et des lèvres rouges, et regarde l’église d’un air de stupeur. Comme je considérais cette sculpture mystérieuse, el señor cura a passé ; il s’est approché de moi ; je lui ai demandé s’il savait ce que signifiait ce masque de nègre devant le seuil de son église. Il ne le sait pas, et, m’a-t-il dit, personne dans le pays ne l’a jamais su. »

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Réamorcer la machine à rêverie avec une visite à la maison-musée de Victor Hugo. S’asseoir au bureau du héros national et écrire des cartes postales pour Paris. Dans un virage, dénicher la plaque commémorative du départ de Monsieur Gilbert Motier de La Fayette pour son aventure nord-américaine. Mais pourquoi vouloir laisser derrière soi un vert paradis ?

« Enfin, si vous voulez que je vous dise tout, là, sous mes yeux, sur la terrasse et l’escalier, des constellations de crabes exécutent avec une lenteur solennelle toutes les danses mystérieuses que rêvait Platon.
Le ciel a toutes les nuances du bleu depuis la turquoise jusqu’au saphir, et la baie toutes les nuances du vert depuis l’émeraude jusqu’à la chrysoprase. »

Sur la place Santiago, les crabes continuent de se reposer avec vivacité. Ils ignorent tout de nos siècles passés.

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Pousser jusqu’à la cantine Alabortza et s’offrir un pintxos en pleine vert. Pousser plus loin jusqu’au promontoire. Au retour, ne pas prendre le chemin sur la gauche, Fontarrabie est au bout et la France de l’autre côté de la Bidassoa : ce serait manquer l’heure de la parrillada chez Txulotxo.

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Après le café, embarquer sur le micro-ferry de Pasaia et débarquer à San Pedro. Son musée de la baleine sera propice à une dernière rêverie océane. Partir ou rester ?

« Aucune grâce ne manque à cette baie ; quand je regarde l’horizon qui l’enferme, c’est un lac ; quand je regarde la marée qui monte, c’est la mer. »

Akelarre, San Sebastián

Pedro Subijana, rocker classique

La région de San Sebastián pourrait faire l’objet d’un guide gastronomique en trois volumes tant il y a de lieux à recenser (et visiter). Réputée depuis longtemps pour l’excellence de sa table, elle concentre aujourd’hui une tripotée d’étoilés, comme nous le prouve cette carte aimablement fournie par d’éminents confrères locaux.

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Parmi les heureux couronnés ***, Akelarre mérite une visite attentive : sa subtile alliance de classicisme et de malice marque yeux et papilles. Les crevettes flambées sur leur pierre volcanique, servies au guéridon, ouvre le bal (tuto ici pour les cuisiniers pyromanes).

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Le kokotxa revisité, tout aussi spectaculaire, sera plus complexe à reconstituer à la maison, avec son assemblage vertical de croustillant-fondant tenu par un divin ciment à l’ail.

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Que dire du « Très fin et léger tartare de boeuf, pomme de terre nouvelle soufflée et pain aux herbes aromatiques », à déguster avec l’ustensile fourni ? Classique mais efficace. Un peu trop fin pour certain.

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Le colin à la vapeur d’algues, plancton et feuille d’huître, intriguant à souhait sur le papier, tient ses promesses. Après le rock’n roll kokotxa, le chef démontre son habilité à mener un rythme plus calme. Dans un décor de jardin zen, le colin nacré repose sur des galets de plancton.

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Puis une caissette remplie de copeaux est portée à table. Les morceaux de morue dessalée finissent dans un bouillon, ainsi que leur lit de pâte philo.

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Ici, par souci de brièveté, le chroniqueur saute le calamar comme un risotto et le pigeon rôti avec une touche de mole et cacao, deux plats qui balancent du gros son dans la salle bien comme il faut d’Akelarre.

La ronde des desserts débute alors : xaxu et mousse glacée au noix de coco, l’autre tarte aux pommes, tarte orange-amande. Bon et bien tourné, mais pas de coup de poing au ventre.

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On l’aura compris, Akelarre trace une route subtile entre créativité et tradition, dans un paysage clairement défini, celui du pays basque et de ses produits. Selon les menus et les plats,  le voyageur sera plus ou moins secoué mais jamais ne s’ennuiera.

♥♥♥ / €€€
Akelarre
Padre Orcolaga, 56 (Igeldo)
20008 San Sebastián
www.akelarre.net

Arte de Cozina, Antequera

La ronde des tapas

Il se dit que l’art du tapas trouve sa quintessence au Pays basque.  Les Andalous pensent tout autrement.  Et Arte de Cozina, avec sa carte des tapas de plus de vingt propositions, taille en chiffonnade cette idée reçue.

Une verticale exhaustive est donc à portée d’appétit. Tentons le défi ! Qui débutera par une mise en bouche, avant la première amuse-gueule. Chez Arte de Cozina, on ne plaisante pas avec les bonnes manières. Tartinons donc !

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La première tapa sera une soupe froide locale, la «porra»,  que l’on choisira à l’ail, à la tomate ou à l’orange. C’est cette dernière version qu’il faut essayer et même adopter (sa recette imprimée est offerte par la maison). Pain de mie, jus d’orange, huile d’olive et ail donnent  texture et saveur uniques à ce gaspacho.

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Selon l’humeur, on persévèrera dans le liquide, avec par exemple ces escargots en sauce piquante aux amandes (caracoles en guisillo picante de almendras, préparation abusivement étiquetée « facile » ici).

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À la suite de quoi, il sera tentant d’assécher toute cette humidité avec des tapas fort sapides et délicieusement croquantes : croquetas (nombreuses variantes), friture de menus poissons, crevettes embobinées (bobina de langostinos), patounettes de lapinou pânées (chuletitas de conejo).

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En enfin de se rouler dans du moelleux protéiné : hamburgers, tartares et autres délices viandards locaux, tel le prueba de matanza. Qui feront office de douceurs finales, les dolce n’étant pas au diapason…

La verticale de tapas sera arrosée tout du long par un moscatel Flor Floris de la sierra voisine.

Compter une paire d’heures pour passer la moitié des étapes de la verticale. Ayant échoué dans cette ascension, il faudra revenir ! (En demi-pension, chambres et restaurant « classique » étant à disposition des grimpeurs.) Pour louer encore et encore la bienveillance d’Arte de Cozina, ce conservatoire sincère et enjoué de la cuisine andalouse. Qu’il serait tentant d’opposer, de par chez nous, à la mode de la micro-bouchée… (L’invasion des tapas, Le Monde)

♥♥ / €
Arte de Cozina
Calle Calzada 29, Antequera
artedecozina.com

Albufera, Valence

Al-buhayra, la petite mer

Pédaler : 40 km (aller-retour)
Manger : un arroz a banda à El Palmar



Une excursion au parc d’Albufera pour pédaler dans les traces du maréchal d’empire Louis-Gabriel Suchet, duc éponyme, se perdre dans une lagune arabo-andalouse, étudier l’étymologie de calabaza, calebasse, carabassa (catalan), cabaza (portugais), caravazza (sicilien), kerbah, pluriel kerâbat (arabe), espèce endémique dans les jardins ouvriers d’El Saler et d’emploi varié, franchir rizières et canaux, mitrailler canards et hérons, engloutir un arròs a banda avec son pot d’aïoli à El Palmar, réfléchir au concept de médiance durant la digestion, ramener une anguille pour le dîner.

Pour ne pas se perdre, rien ne vaut une bonne carte :

Mugaritz, San Sebastian

Andoni Luis Aduriz, le génie des alpages

 

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Pommes de terre en croute de kaolin, crevettes frites

FARCIS DE RAVIOLI D´ARAIGNÉE DE MER ET AMANDES FRAÎCHES, sur un consommé translucide de feuilles et pousses citriques.

En forme de petites mozzarellas : GNOCCHI ONCTUEUX DE FROMAGE IDIAZÁBAL TREMPÉS DANS UN BOUILLON DE SALAISONS DE PORC IBÉRIQUE. Contrastes de légumes.

En guise de pâtes, amarante cuite au bouillon de sardines garni DE QUEUES DE PETITES LANGOUSTINES et de feuilles tendres du potager.

TRANCHE DE THON sur un bouillon de ceréales et poissons bleus. Feuilles de brassica.

COCHON DE LAIT IBÉRIQUE RÔTI dans son jus, sur lit de graines de quinoa et feuilles fermentées.

SÉLECTION DE FROMAGES D’Euskal herria, de toutes sortes : de brebis, vache ou chèvre; d’abbaye, de monastère, fermier; de montagne ou de pré; petites pièces artisanales.

PAIN PERDU trempé dans du jaune d’Œuf et caramélisé, crème glacée élaborée avec du lait de feuilles de figues.

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SPHERE GLACEE AU CHOCOLAT BLANC sur nougatine brisée aux fruits secs. Distillé de cacao.

Juin 2008

♥♥♥ / €€€
Aldura Aldea, 20
20100 Errenteria
http://www.mugaritzak.com

La Llotja de la seda, Valencia

Gargouilles et chimères

Comment décrire la Loge de la soie ? D’autres avant nous s’y sont essayés et ont échoué. Voici leurs dernières paroles :

“… des gargouilles à fortes saillies, des panneaux de porte qui ont conservé jusqu’à leur peinture rouge, leurs vigoureuses moulures et leurs encadrements, des pentures, des ferrures richement travaillées, sont autant d’éléments restés épars sur toute la surface, qui nous ont paru devoir être recueillis pour chercher à reproduire à l’imagination un ensemble inabordable à la gravure. Nos choix étant déterminés par le but pratique, il ne se pouvait guère que nous nous arrêtassions à un type trop chargé de détails. En parler avec une juste admiration était la seule tâche que nous eussions à nous imposer : faire plus, nous ne le pouvions, si ce n’est présenter le plan de la halle aux soies proprement dite, et celui de ses annexes les plus importantes.” (Architecture civile et domestique au Moyen âge et à la Renaissance)

Faisons silence et honorons leur mémoire.

Gárgolas

  • Une femme nue se touche le sexe.
  • Une figure féminine  porte dans ses mains un petit  singe.
  • Un homme ailé introduit son pénis dans un vase.
  • Un homme en habit de moine porte sur ses épaules une petite forme humaine nue.
  • Un monstre tenant un autre animal (lézard ?)
  • Un animal fantastique (bélier ailé ?).
  • Un homme ailé jouant de la guitare mauresque.
  • Une femme se tient la tête des deux mains et crie.
  • Un homme  avec perché sur sa tête  un enfant  faisant ses besoins.
  • Un homme sort de la bouche d’un grand poisson.
  • Un homme ou un moine avec la bouche ouverte tient dans ses mains ce qui ressemble à un reptile.
  • Roi avec couronne,  sceptre et bouclier.

Mercat central, Valencia

Mercado centrale

Ces halles sont le centre du monde. Les plus grandes d’Europe affirme le Valenciano, et on le croira sur parole, les records étant affaire d’importance ici.

Et divers indices confirmeront cette affirmation. Chaque produit existe en d’infinies variantes : trouver l’élu de son appétit ravira les naturalistes mais étourdira les plus indécis. Corollaire de cette richesse taxinomique, l’hyperspécialisation des stands, à coquilles, anguille ou olive.

Seule la nuit éteint la frénésie du Mercado centrale. Alors les brûleurs à paella refroidissent, les anguilles  profitent de la suspension momentanée de leur destin, les escargots s’échappent et font briller les inox.

Pico del Teide, Tenerife

Dans la peau d’Haroun Tazieff

Marcher : 2 h à une journée / facile à difficile
Manger : pique-nique sur une coulée de lave


Toutes les informations pratiques sur le parc national ici, et un descriptif des randonnées .

Le Teide est un gigantesque parc thématique riche en attractions. Il satisfera tous les appétits, toutes les bourses ! Les petits pieds de passage feront le tour d’un ou deux cailloux, quand les épigones de notre vulcanologue national se mesureront au Teide et à ses 3 718 mètres.

Tournez manège !


Si vous avez le vertige, un manège immobile est à disposition.

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Carte physique de l’île de Ténériffe, levée sur les lieux, Léopold de Buch, 1814

Dans tous les cas, il faudra atteindre le parc, après une spectaculaire ascension motorisée du niveau de la mer (0) jusqu’à une vaste caldeira (+ 2 000), traversant au passage trois climats et le plafond des nuages. En moins d’une heure, déjà cela vaudrait le prix du ticket. Quand nature et technique vont main dans la main, le plaisir du touriste exigeant est à son comble.

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Mais il y a plus ! Arriver dans la caldeira c’est débouler ailleurs. Se prendre pour Tintin, se rêver sur Mars.

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Pour les petits pieds, la randonnée des Roques de Garcia offre un bel aperçu des beautés de la caldeira. Coulée de lave, cheminées basaltiques,  sulfures.

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Il est temps d’accaparer une fontaine de lave, d’ouvrir le panier pique-nique et de déjeuner les pieds dans la caldeira (+ 2 245 mètres). L’œil égayé par le défilé des touristes sous-équipés.

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(L’an prochain, on sera plus ambitieux. Le sommet en total look Au Vieux Campeur.)

Bibliographie :
Le réseau des sentiers de Tenerife
Le Monde en parle
◊ Un blog de spécialiste
Ténérife : Les 70 plus belles randonnées entre mer et montagne, Ed. Rover, 2013
◊ Une carte est toujours utile
◊ Le Teide en hiver