Les décennies passent mais on ne se lasse pas. Les têtes changent, la carte suit doucement l’air du temps, le prix de la portion de scampi colle gentiment à l’inflation. Mais l’esprit de la maison semble coulé dans un bloc de glace (avec des harengs à l’intérieur). Manger au bord de la mer du Nord, c’est adoucir la cuisson de la flèche du temps.
La haute lutte pour commander au comptoir, la conquête d’une table sur la place, le ballet des serveurs de compèt (sur la fiche de poste : trois langues obligatoires, convivialité, rapidité, sureté du geste, voix portant loin), le ballet des gourmands traversant la rue à l’appel de leur prénom et revenant lourds d’assiettes lorgnées de tous : poissons et fruits de mer à la plancha, sandwichs et burgers de la mer, fritures variées. Pas de frites à la carte, hein ! Mais huîtres de France ou d’Irlande dans l’annexe voisine.
On y passerait bien la journée, à déguster le spectacle.
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Rue Sainte Catherine 45
1000 Brussels
http://vishandelnoordzee.be
Marcher : 4 h / facile / + 450 m Manger : à la trattoria di Montemagno
Fatigué par la foule de la piazza dei Miracoli ? Aucune inclination pour la tour de Pise ? Prenez de la hauteur avec une excursion dans les Monts Pisans ! A 15 km de Pise, bataillez contre les Florentins dans la forteresse de la Verruca, ruminez votre défaite en faisant retraite à la Chartreuse de Pise, méditez sur la course des saisons dans les champs d’oliviers de Montemagno.
Montemagno
Laissez les chevaux en bas du village et montez la rue principale, juste assez large pour le passage de deux gens de cheval, quatre gens de pied ou une Fiat 500. Sur une placette, la Trattoria di Montemagno, qui récompensera votre journée de combat (ou de méditation, selon les tempéraments). Le chemin de randonnée (n° 139) surplombe Montemagno et son cirque naturel, dévoilant de grandioses perspectives sur les possessions de la République de Pise.
On prendra garde à ne pas s’égarer dans le massif forestier et à éviter les embuscades guelfes en consultant une source autorisée : Rete Escursionistica Toscana.
La Verruca (verrue) est bientôt visible sur son piton rocheux. Après une petite grimpette, une tour d’angle émerge de la végétation et l’entrée dans la forteresse se fait par une porte peu défendue, qui aura vu défiler moultes bannières au fil du long calcio Pise-Florence (1404-1503), ainsi que quelques VIP.
♦ Petites leçons d’histoire : 1, 2
♦ Machiavel en action : 1, 2, 3
♦ Léonard de Vinci s’en mêle : 1, 2, 3
♦ Charles VIII attaque ! (voir p. 42 et suiv.)
À l’intérieur, bouches à feu, archères, remparts, bastions, salles et couloirs souterraines. La forteresse étant un site réputé (et visible de fort loin), vous aurez tout loisir de jouer aux guerres d’Italie avec randonneurs et vététistes de nationalités variées.
Une bouche à feu opérationnelleLes ruines de la chapelle
De la tour ouest, prenez le temps d’admirer le coucher de soleil sur la vallée de l’Arno et sur Pise. Les gros lecteurs auront pris soin d’emmener avec eux un ouvrage d’un contemporain des guerres entre Gibelins et Guelfes sur la conduite des affaires militaires, ou dans un tout autre registre, une comédie de Machiavel écrite en 1520, brillant et amer exercice d’autofiction recyclant les événements tragiques passés jusque dans les toponymes cités dans le récit :
Ligurio. Ce qui vous intrigue le plus, c’est ce que vous m’avez dit d’abord, car vous n’avez pas coutume de perdre de vue le clocher de votre village.
Nicia. Tu ne sais ce que tu dis : quand j’étais plus jeune, j’étais un coureur fieffé; il ne se faisait pas une foire à Prato sans que je n’y allasse; il n’y a pas un château aux environs que je n’aie visité; et je te dirai bien plus : j’ai été à Pise et à Livourne, moi qui te parle.
Ligurio. Vous avez donc vu la Carrucola de Pise ?
Nicia. Tu veux dire la Verrucola ?
Ligurio. Ah! oui, la Verrucola. Et à Livourne,
avez-vous vu la mer?
Et par temps clair, de la Verruca, on voit la mer.
Lors du retour vers Montemagno, admirez les quinze cellules-appartements des moines chartreux de la Certosa di Pisa, chacune dotée d’un jardin arboré et d’un atelier de menuisier (on regrettera l’absence de cuisine). Pour les mollets ambitieux, le sentier 319 poursuit vers le château de Caprona, qui faisait partie du système défensif pisan.
Le cloître et les cellules cinq épis
L’heure tourne, le soleil dore les foins des champs d’oliviers : il est temps de revenir au présent et à ses joies.
La Trattoria di Montemagno est cachée dans un village des Monts Pisans, au bout d’une route qui à force de rétrécir s’arrête tout à fait. Elle n’est référencée dans aucun guide. Son chef est une chef. On y mange une cuisine de haute saveur pour 15 euros. Comment est-ce possible ?
On est en Italie, les gars !
En Italie, derrière les fourneaux, ils ont aussi des Michel-Ange (Massimo Bottura) et des Savonarole (le siège du mouvement slow food est à 30 km). Mais il est commun de trouver au restaurant une cuisine de ménage, rurale, familiale, traditionnelle, bonhomme, de bonne femme. (Trouver sans chercher.) Une cuisine qui a été balayée, de ce côté-ci des Alpes, par la prise de pouvoir des hommes, d’Escoffier à Gault&Millau, et par notre maladie nationale, le raffinement. Nous n’avons plus d’artisans et trop d’artistes, notre climat ne produisant que des chefs aspirant aux *** ou des clients Metro. On aimerait pourtant que puissent exister dans le même espace-temps Pierre Passard et signora Daniella (les noms sont fictifs).
Bref, à la trattoria di Montemagno, vous ne trouverez pas de plats d’auteur. Zéro créativité ! Aucun produit d’exception. Juste de la pasta bien saucée, des légumes même pas anciens bien traités et quelques spécialités locales. Les plats que votre grand-mère italienne vous mitonnait pendant vos étés en Toscane, bande de veinards !
Soit, pour être moins théorique :
farfalle con triglia e limone : aux rougets et citron. Du velours, à prendre en primo puis en secondo !
trenette al pesto avvantaggiate : au pesto, pommes de terre et haricots verts. Plutôt pour les travailleurs de force.
zupetta di polpo e totani : entre la soupe et le ragout de poulpes et calmars, sauce tomate et pain mouillé. Une spécialité de la côte livournaise.
bracioline fritte in salsa : côtelettes à la sauce tomate. Pas la même sauce tomate que celle de la zupetta hein ! Du concentré de tomates, sans trop d’acidité, enrobant le gras d’une fine côtelette de porc…
et aussi du lapin aux olives, une caponata d’exception, des courgettes à la menthe.
Bon, côté dessert, Conticini n’est pas à la manœuvre (eh oui, le blogueur est contradictoire), mais la maison se défend bien :
pêche rôtie au four et crème, avec son verre de vin de noix
pana cotta à la menthe
semi-freddo chocolat ou fruits des bois
cantuccini et son verre de vin doux (aleatico)
Accueil tout en douceur, service tout en efficacité. La clientèle, essentiellement italienne, apprécie des deux mains l’axe programmatique de la maison et les plats défilent comme à la parade. L’été, on dîne sur la piazza. On prendrait bien demi-pension, si ce n’était le vin de la maison, vraiment éprouvant et sans alternative (pas de carte des vins). Dit Daniella, la prochaine fois, on pourra venir avec notre bouteille ?
Alors ? Venir plusieurs fois pour goûter toute la carte. Le Pisan ayant un palais pointu, la trattoria est connue et visitée : il faut réserver.
Gentil accueil, cuisine qui se donne du mal et parvient à échapper à la doxa locale. Bons produits, des plats végétariens, beaux desserts, bravo ! Une clientèle internationale célèbre le lieu à grand flot de bière du coin et de bergerac, toute à sa joie d’avoir déniché une adresse singulière.
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Le Veilleur d’Urval 24480 Urval
www.leveilleurdurval.com
Un discret joyau du Périgord noir se niche entre Le Buisson et Siorac. 126 habitants mais un four banal du XIVe s., une église du XIe s., un moulin, des séchoirs à tabac, un restaurant, deux ruisseaux. Du concentré de Périgord, une sauce Périgueux réduite au coin du feu, des siècles durant.
Peu d’étrangers de passage à Urval, ils sont tous à Sarlat. Personne pour déranger retraités et poulets en liberté.
En contraste au paisible climat d’Urval, son église avec ses virils atours d’ouvrage fortifié : haute muraille plaquée contre le chevet, chambres de défense dans le cœur et la nef, clocher massif.
Des mascarons millénaires tempèrent de leur bonhommie la rude bâtisse.
Les temps sont moins guerriers et la porte reste désormais ouverte. Dans le chœur, colonnes en marbre noir, chapiteaux sculptés, restes de fresque colorée (l’ours d’Urval).
Derrière l’église, un rare four à pain banal, tout droit sorti du temps des banalités. Il a perdu son toit de lauzes mais conserve encore aujourd’hui ses autres éléments caractéristiques : pigeonnier, logis du boulanger, rayonnages. En usage lors de la fête d’Urval , le 2e weekend d’août.
Le four banal d’Urval :
♦ Quelques photos
♦ La fête d’Urval
Les visiteurs mis au ban ou ayant raté la fête du village pourront néanmoins se restaurer au Veilleur d’Urval.
Et aussi :
♦ pour les marcheurs, deux sentiers de randonnée au départ d’Urval.
♦ pour les mélancoliques romantiques, le cimetière en deux saveurs (à l’ancienne, revisitée).
♦ à quelques lieues, Paunat, autre joyau caché.
Lassés des plats canaux et quartiers de Copenhague ? Prenez de la hauteur en escaladant la flèche de l’église de Notre-Sauveur. Par l’extérieur !
L’ascension commence par la traversée de la magnifique charpente en chêne du clocher. Après avoir effectué quelques tours autour de la flèche, sur un escalier spiralé de plus en plus étroit, vous déboucherez sous un globe couronné d’une statue du Christ. A vos pieds, 80 mètres plus bas, le quartier de Christianshavn, Christiansborg, le Black Diamond, la Bourse… Au-dessus de vos têtes, le globe et son cavalier vous écrasent de toute leur masse.
Sur la dernière marche, les agoraphobes converseront avec leurs pieds et les grands gabarits se feront discrets (la place manque). Et les croisements entre juilletistes et aoûtiens seront douloureux aux estomacs les mieux préparés.
On se remettra de ses émotions avec une petite spécialité de Christiana ou un brunch sur les remparts de Copenhague.
Bibliographie :
◊ Notre-Sauveur
◊ On en parlait déjà à Montauban en 1875, et aussi de la Runde Taarn, autre curiosité architecturale locale
◊ La ville libre de Christiana
◊ Une visite à la sauce Borgen
◊ Autre marche dans les airs : Sant’Ivo alla Sapienza, Rome
Commencer par la British Library : toujours des trucs à voir. Et l’exposition permanente “Treasures of the British Library” est une valeur sûre. Deux cents ouvrages exceptionnels exposés (free of charge), chapeau bas messieurs ! Une bible de Gutenberg, une Magna Carta, un carnet de notes de Leonard de Vinci, le premier livre imprimé, le Codex Sinaiticus. Et quelques raretés d’outre-Manche, dont un exemple précoce de partition manuscrite (Saint-Martial-de-Limoges) et une danse macabre (Lyon).
La cafette de la bibliothèque n’est pas mal non plus. Variété des buffets, richesse des salades ! Et avec une terrasse ! Et des livres à portée de main ! Y a pas photo, à Londres on mange mieux (qu’avant, qu’à Paris).
Après avoir goûté aux plaisirs enivrants de la haute culture, sortir de la bibliothèque et remonter Euston Rd vers le canal. Le London Canal Museum est un arrêt qui pourrait sembler superfétatoire (à juste titre…). Franchir le canal et suivre le Grand Union Tow Path. Péniches, friches, tunnels, vieilles briques et habitat spatial.
Le Regent’s Canal, hier et aujourd’hui :
♦ Quelques photos
♦ Petite leçon d’histoire illustrée
Quelques beaux vestiges de l’ère prénumérique : écluses, réservoir à gaz, bâtiments industriels, pour la plupart en cours de mise à jour système. Se dépêcher d’aller les voir dans leur jus.
Dernières pensées pour les 150 ans de loyaux services du canal, sur lequel auront transité charbon, bois, fruits, glace, bière et même poudre à canon…
Le Voleur illustré : cabinet de lecture universel, 16 octobre 1874
Arrivée à Camden Market, ses échoppes de street food et d’abominations chinoises et retour par Regent’s Park.
Marcher : 2 h à une journée / facile à difficile Manger : pique-nique sur une coulée de lave
Toutes les informations pratiques sur le parc national ici, et un descriptif des randonnées là.
Le Teide est un gigantesque parc thématique riche en attractions. Il satisfera tous les appétits, toutes les bourses ! Les petits pieds de passage feront le tour d’un ou deux cailloux, quand les épigones de notre vulcanologue national se mesureront au Teide et à ses 3 718 mètres.
Tournez manège !
Si vous avez le vertige, un manège immobile est à disposition.
Carte physique de l’île de Ténériffe, levée sur les lieux, Léopold de Buch, 1814
Dans tous les cas, il faudra atteindre le parc, après une spectaculaire ascension motorisée du niveau de la mer (0) jusqu’à une vaste caldeira (+ 2 000), traversant au passage trois climats et le plafond des nuages. En moins d’une heure, déjà cela vaudrait le prix du ticket. Quand nature et technique vont main dans la main, le plaisir du touriste exigeant est à son comble.
Mais il y a plus ! Arriver dans la caldeira c’est débouler ailleurs. Se prendre pour Tintin, se rêver sur Mars.
Pour les petits pieds, la randonnée des Roques de Garcia offre un bel aperçu des beautés de la caldeira. Coulée de lave, cheminées basaltiques, sulfures.
Il est temps d’accaparer une fontaine de lave, d’ouvrir le panier pique-nique et de déjeuner les pieds dans la caldeira (+ 2 245 mètres). L’œil égayé par le défilé des touristes sous-équipés.
(L’an prochain, on sera plus ambitieux. Le sommet en total look Au Vieux Campeur.)
Bibliographie :
◊ Le réseau des sentiers de Tenerife
◊ Le Monde en parle
◊ Un blog de spécialiste
◊ Ténérife : Les 70 plus belles randonnées entre mer et montagne, Ed. Rover, 2013
◊ Une carte est toujours utile
◊ Le Teide en hiver